Suite à une indiscrétion par la bande, l'Association de la Presse Etrangère en Suisse et au Liechtenstein (APES) a appris tout récemment que le Département Fédéral des Affaires Étrangères (DFAE) allait prendre des mesures défavorables à la protection des journalistes de la presse étrangères en Suisse.
C’est ce que lui a écrit M. Tilman Renz, chef de communication du DFAE, contacté par l‘association après l’avoir identifié comme responsable de l'application de ces mesures, qui ont été officiellement annoncées par l’ambassadeur Nicolas Bideau, chef du Service de communication du même ministère, ce vendredi 3 octobre 2025, lors du traditionnel Déjeuner genevois du DFAE offert aux journalistes accrédités par lui et à ceux de l’APES.
En effet, le Service de communication du DFAE s'apprête à mettre fin à la carte d'accréditation qu'il remettait aux membres de la presse étrangère en Suisse, à la fin de cette année. Il en va de même du "Règlement sur l'accréditation des représentants de médias étrangers", datant de 1992. Pourtant il a l’obligation légale de consulter l’association (art. 10 : " Le département (DFAE, NdR) consulte le comité de l'APES avant d'apporter des modifications au présent règlement"). Ce qu’il n’a jamais fait.
Ce Règlement fut l'aboutissement d'un long combat de dizaines d'années pour la reconnaissance des journalistes représentant la presse étrangère en Suisse par Berne.
Consulté par l’APES, le Secrétaire Général de Reporters Sans Frontières (RSF), Denis Masmejan, journaliste, dr. en droit, membre de la Commission fédérale des médias et du Conseil suisse de la presse, lui a écrit le 1.10.25 :
« Je pense que vous avez raison de protester énergiquement. D'abord, vous n'avez pas été consultés dans les formes prévues. Ensuite, sur le fond, il me semble que l'accréditation des correspondants étrangers par le DFAE remplit, ou remplissait, une fonction très différente de l'accréditation des correspondants au Centre de presse du Palais fédéral. Cette dernière s'adresse aux journalistes qui couvrent la politique fédérale (Conseil fédéral et Parlement). Si je comprends bien, l'accréditation des correspondants étrangers par le DFAE avait une visée beaucoup plus large consistant à donner un statut reconnu à des correspondants étrangers en Suisse, actifs notamment auprès des organisations internationales à Genève et ne fonctionnant pas prioritairement comme des journalistes politiques couvrant l'actualité fédérale suisse. Dans ces conditions, je vous encouragerais à formuler vos critiques de manière ferme ».
Rappelons encore, dit l’APES, que «l’ONU demande toujours l’accréditation du DFAE, pour accréditer les correspondants des médias étrangers au Palais des Nations. Les freelances sont frappés de plein fouet par cette suppression de la carte du DFAE. C’est inacceptable ». L’APES souligne qu’«elle soutient sans réserve, les journalistes indépendants qui sont les premiers très affectés par la précarité de la situation de la presse aujourd’hui».
L'APES représente un organe de protection des journalistes de la presse étrangère, reconnu officiellement par les autorités fédérales et capable de les défendre tous, qu'ils soient membres ou non de l'APES, avec possibilité d'intervenir en cas de litige ou de problèmes quelconques (voir art. 3 du Règlement). Supprimer ce Règlement lui enlèverait toute autorité légitime de défense des journalistes de la presse étrangère.
Par ailleurs, le DFAE "veille à faire connaître la carte d'accréditation auprès des autorités et des administrations de la Confédération et des cantons" (article 8§1). Autrement dit, elle spécifie bien le statut de journaliste de son porteur, reconnu par le gouvernement suisse, dans tout le pays. La supprimer fragilise, voire menace l'exercice de la profession de celui qui était jusque-là son titulaire, faute d’accès possibles aux sources, notamment dans les domaines de la culture, du sport, dans les investigations, etc.
Pour justifier les mesures prises, Tilman Renz prétexte l'adoption de "la révision de l'ordonnance sur l'accréditation des journalistes pour le Centre de presse du Palais fédéral et sur l'autorisation d'accès au Centre de presse ". Pour l’association professionnelle, «la décision du DFAE n’est pas un toilettage juridique d’un texte, ni une conséquence de l’ordonnance. C'est un acte de pouvoir et une atteinte à la protection des journalistes de la presse étrangère en Suisse ».
A l’APES, on a l'impression que « ces mesures cherchent à couper tout contact et obligation du DFAE avec les membres de la presse étrangère en Suisse. En effet, après la suppression des vouchers 1/2 tarif CFF accordés aux journalistes de l’APES pour leur faciliter la couverture des événements en Suisse, mesure décidée par Nicolas Bideau, alors directeur de Présence Suisse / DFAE, Nicolas Bideau, chef de la communication du DFAE, nous annonce la suppression de la carte d’accréditation DFAE et du Règlement de 1992. Il ne semble visiblement pas avoir une grande estime pour la presse étrangère ».
L’APES lui a demandé publiquement le 3.10.25 le «retrait immédiat et sans conditions» des mesures qui portent atteinte à la protection des journalistes de la presse étrangère.
Alors que sévit le scepticisme quant à l’activité de la Genève internationale, alimenté par des nations importantes qui veulent assurer le leadership du monde, le DFAE devrait plutôt encourager les journalistes à couvrir l’actualité de la Suisse et de la myriade d’organisations qu’elle soutient. La Suisse ne devrait pas rejoindre le mouvement isolationniste, mais renforcer le travail des journalistes, et, partant, son image.
Pour le Comité de l’APES,
Jean Musy, Président
Lettre ou message de soutien : apes_assoction@yahoo.com |

(De g. à dr.) Jean Musy, Président de l'APES et Nicolas Bideau (DFAE)
© Peter Kenny 2025

Nicolas Bideau
© Eric Dubost 2025

Jean Musy, Président de l'APES
© Eric Dubost 2025
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